dimanche 29 janvier 2017

Carnages chez Cranach

Lucas Cranach



"Aussi souvent que les princes vous emmèneront chasser, vous transporterez partout avec vous un panneau, que vous compléterez au milieu de la chasse, où vous dessinerez comment Frédéric abat un cerf, comment Jean poursuit un sanglier." Christoph Scheurl, extrait d’une lettre adressée à Lucas Cranach, 1509


 1- Repérages 


Il est peu probable que ce soit à ce tableau, « Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage » que l’auteur de cette lettre, Christoph Scheurl, humaniste et professeur à l'Université de Wittenberg, fasse directement allusion (puisque le tableau en question date de 1529), mais peut-être plus directement aux dessins, dont on dit bien qu’il ne nous en reste finalement que peu de traces - que Lucas Cranach réalisait souvent au cours de ses voyages.
 Pourtant, à bien y réfléchir, soit cette remarque donne envie de sourire, par l’apparente naïveté qu’elle contient, imaginant par exemple le peintre au milieu de ce beau désordre, saisissant au vol la course frénétique des cervidés, croquant à tout va les bêtes affolées par les meutes de chiens lancés à leurs trousses ou s’appliquant à dessiner ceux acculées à la rivière, harcelées par les piques des veneurs… soit, on peut y discerner une pointe d’ironie concernant précisément la représentation de cette faune, telle qu’elle peut apparaitre ici, relevant par bien des points à celle déjà répertoriée par les miniatures des livres d’heures, ou du fameux livre de chasse de Gaston Phébus (1387-89)

Détail de Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage  1529
Détail du Livre d'heures de Marguerite d'Orléans 1430 (BNF)
En 1504 Lucas Cranach (l’ancien) quitte Vienne pour Wittenberg, pour s’installer comme peintre de cour au service de l’électeur Frédéric III de Saxe. Dans les années qui suivent cette prise de fonction, Cranach modifie sensiblement sa façon de peindre. Les caractéristiques expressives de sa période viennoise cèdent le pas à une mise en forme que l’on a dite plus mesurée et plus stylisée. Les raisons de cette transformation sont multiples et sont sans doute dues à des nécessités d’ordre politique (la Réforme) autant qu’esthétique (affirmation d’un style), mais aussi très certainement pratique.

En effet, afin de répondre aux multiples commandes de « reproductions » de ses peintures, qui lui sont faites par les différents princes de Saxe, Lucas Cranach met en place, dès 1525, un atelier auquel il associe ses fils (Lucas junior et Hans). Quelques historiens de l’art considèrent, pour cette dernière raison, que cette période, plus maniériste, fut aussi sans doute moins riche en inventions que la période précédente… 
Ainsi, en 1858, on pouvait lire dans la revue L’artiste (partie 2. Éditeur Aux bureaux de L'Artiste, P.214) : « Les Chasses au cerf des deux Cranach n’ont pas la valeur artistique des tableaux du Louvre ; mais ils sont curieux comme études de costumes et de mœurs».

Détails de "Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage" (1529)
 et "Chasse près du château de Hartenfels" (1544)
Jean Claude Bourdais avait tenté de démêler(*), dans une première approche, la question de l’attribution de ces scènes de chasse (car il en existe plusieurs !) au père ou au fils Cranach (les deux Lucas), en se basant sur ce que les différents musées, où ces peintures sont conservées, proposaient comme documentation. Il en avait alors recensé au moins cinq : quatre peintures et une gravure. 


1 - Chasse au cerf de Johann Frédéric, attribué à Cranach le Jeune vers 1544, au Kunsthistorisches Museum de Vienne,
2 - Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint au château de Torgau, attribué au Vieux (ailleurs au Jeune), 1545, Musée du Prado de Madrid,
3 - Chasse au cerf de l'électeur Frédéric le Sage, attribué à Cranach l’ancien, 1529, Kunsthistorishes Museum de Vienne,
4 - Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint au château de Torgau, attribué l’ancien (mais sur quelques sites au jeune !), peint en 1544, Muséo del Prado, Madrid,
5 – Chasse au cerf de l'électeur Johann Frédéric, au musée de Vienne, une encre attribuée (selon les sites) plutôt au fils, datée aussi de 1544.  

A celles-ci, on peut encore en ajouter deux autres :  

6 - Chasse au cerf de l'électeur Frederick le sage, attribuée à Cranach l’ancien (très proche dans la fig.4) datant aussi de 1929, au Museum for Kunst, Copenhague
7 - Chasse près du château de Hartenfels, attribuée à Cranach le jeune, vers 1544, au musée de Cleveland. 
L’ensemble de ces peintures est construit selon une structure paysagée assez proche : un bras de rivière ou un plan d’eau (un marais parfois ?) entouré de hautes futaies cerne une clairière. Le lieu est situé dans les environs d’un château figuré en arrière-plan.

Quatre tableaux sur six (fig 1,2,4,7), tous datés de 1544 ( ?) indiquent sans ambigüité qu’il s’agit de celui de Hartenfels, qui se dresse en bordure de l’Elbe, dans la ville de Torgau. La présence des écussons de la cité peints sur la partie supérieure de deux d’entre eux (fig.1 et 4) l’atteste.

Détails à gauche de "Chasse au cerf en l'honneur de Charles Quint" (1545) - "Chasse près du château de Hartenfels" (1544),
Détails à droite : "Torgau" gravure de 1560 et "Torgau" Lithographie 18e
Le point de vue n’y est cependant pas toujours le même, présentant les façades du château sous des angles légèrement différents - ce qui fait dire à J-C Bourdais que nous avons affaire à une sorte de léger « travelling circulaire… » -. Dans deux peintures (fig. 1 et 2), la ligne d’horizon, située assez haut, permet de se rendre compte que ce terrain de chasse est visiblement localisé de l’autre côté du fleuve.

Pour deux autres panneaux (fig.3 et 6), il y a peu de chance qu’il s’agisse du même lieu, étant donné, d’une part la situation haut perchée du château et, d’autre part, en tenant compte des dates de construction du château de Hartenfels ( entre 1532 et 1544), sachant que les peintures en question sont datées aux alentours de 1529.

Deux détails des deux "Chasse au cerf de l’électeur Johan Frédéric le sage" (1529)
Détails de gravures et photographies de Chateau de Wartburg (gauche) et de  la Veste Coburg (droite)
Selon toute vraisemblance, il pourrait s’agir plutôt ici de deux autres châteaux, respectivement celui de Wartburg et celui de la Veste Coburg, deux lieux où Martin Luther résida sous la protection des ducs Electeurs de Saxe, afin échapper à la condamnation à mort dont il était menacé, suite à son excommunication par l’église Catholique et dans lesquels il rédigea la traduction du Nouveau Testament en allemand.

Cependant, il faut bien le dire, il ne s’agit sans doute pas d’une figuration réaliste, mais plutôt d’une « localisation », soit une façon de désigner un domaine (donc son propriétaire), tel que précisément cela se faisait déjà dans les enluminures du Moyen-âge.

2- bât l'eau
« Après avoir épuisé ses ruses, l'animal est gagné par la fatigue. Il est malmené, sa silhouette s'affaisse, il porte la hotte, tire la langue, ses membres raidissent; il est sur ses fins. »  Souvenir du Duc de Brissac (*)

Malgré l’apparent désordre, amplifié par les courbes distendues du paysages, où s’agitent en tous sens personnages et animaux, on peut remarquer que le sens de lecture de ces tableaux est tout de même organisé, du haut vers le bas, décrivant chronologiquement, par lacets entrecroisés, le déroulement de la chasse : la levée du gibier dans les bois, par les cavaliers et la meute de chiens, la course pour l’épuiser, la traque pour l’amener jusqu’au plan d’eau et l’embuscade tendue de l’autre côté de la rive au plus proche de nous. 


On observera aussi, dans cette série de tableaux, la hiérarchie des figures, leur emplacement (centrées/excentrées), les costumes (et les coutumes, comme l’importance d'un cheval blanc)… Dans cette profusion de détails, les Cranach se sont employés à restituer la perception chaotique de l’évènement, tout en respectant les conventions et les codes du rituel.

Deux éléments semblent cependant rompre avec la tradition de la représentation du moyen-âge. D’une part la chasse au cerf était exclusivement représentée en forêt profonde alors qu’ici il parait évident que l’issue s’appuie sur l’obstacle liquide, sorte de barrière naturelle qui ralentit la course et permet aux archets embusqués d’ajuster leurs cibles. D’autre part la profusion des cerfs chassés donnent l'impression d'un carnage.

3 - récits superposés

« La vie chevaleresque du docteur avait parfois quelque chose de très théologique. Un jour, on prépare des filets, on ouvre les portes de la forteresse; les chiens, aux oreilles longues et pendantes, s'élancent. Luther avait voulu goûter le plaisir de la chasse. Bientôt les chasseurs s'animent; les chiens se précipitent; ils forcent les bêtes fauves dans les broussailles. Au milieu de ce tumulte, le chevalier George, immobile, avait l'esprit rempli de sérieuses pensées à la vue de ce qui l'entourait, son cœur se brisait de douleur, « N'est-ce pas là, disait-il, l'image du diable, qui excite ses chiens, c'est-à-dire, les évêques, ces mandataires de l'Antéchrist, et les lance à la poursuite des pauvres âmes'?
Un jeune lièvre venait d'être pris; heureux de le sauver, Luther l'enveloppe soigneusement dans son manteau, et le dépose au milieu d'un buisson; mais à peine a-t-il fait quelques pas, que les chiens sentent l'animal et le tuent. Luther, attiré par le bruit, pousse un cri de douleur «  0 pape dit-il, et toi, Satan! C'est ainsi que vous vous efforcez de perdre les âmes même qui ont déjà été sauvées de la mort ? » Jean-Henri Merle d'Aubigné, «  Histoire de la Réformation du XVIe siècle ». (Tome 3). C. Meyrueis (Paris), 1860-1862. BNF
Si la chasse aux grands animaux (ours, sangliers, cerfs…) était, on le sait, l’une des distractions favorites des princes, l’activité se déroulait selon un rite et des codes précis, affirmant autant les rapports sociaux que la nécessité sans cesse renouvelée d’insister sur la suprématie du seigneur sur la nature. Chasser le cerf était donc une façon ancestrale (et archaïque) d’affirmer ses pouvoirs. L'animal incarnait bien plus l’idée d’une figure primitive, voire mythique, que celle d’une simple proie. Poussé de l’obscurité des forêts à la lumière des clairières, le cerf, particulièrement par la fascination qu’exerçait sa ramure (couronne), était considéré comme le plus « noble » des gibiers (et donc le gibier des nobles).


La présence des cerfs dans l’œuvre de(s) Cranach est une sorte de fil rouge. L’animal n’y est d’ailleurs pas représenté que dans la posture fatale des scènes de chasses. Que ce soit dans le jardin d’Eden, accompagnant les figures du premier couple s’apprêtant à consommer le fruit défendu (comme chez Durër), ou dans l’illustration de la légende de Saint Eustache (celui à qui le Christ en croix apparut entre les cornes d’un cerf pour le convertir)...
Ou encore dans l’interprétation de différents récits mythologiques (Vénus et Apollon, Vénus et Amour…), le cerf, parfois accompagné d’une biche, est là, docile et bienveillant, montré souvent de profil (nous regardant d’un œil), témoin privilégié de la scène où il figure.

Dans Diane et Actéon, une scène de chasse à courre se déroule en arrière-plan, derrière une haie, alors qu’au premier plan, le chasseur ayant surpris la déesse au bain subit déjà les conséquences de sa métamorphose. Les deux mondes, celui de la réalité et celui du mythe s’y superposent à travers les thèmes de l’animalité, de l’érotisme, du sacré et de la violence…
En ce sens, la figure du cerf est bien emblématique des glissements sémantiques possibles qui s’opèrent entre le paganisme et le christianisme en cette époque quelque peu troublée de la Renaissance, et plus particulièrement en Allemagne.

Pour en revenir aux panneaux de chasse à courre, et d'abord les premiers d’entre eux, peints aux alentours de 1529, il semble que le choix de ce sujet (chargé de symboles) excède l’envie de présenter le seul divertissement du prince. Plus encore que l’affirmation de la force et du courage du maître des lieux, ces chasses sont bien des allégories du pouvoir politique et de la détermination des ducs électeurs de Saxe dans les différents combats où ils s’engagent, notamment en protégeant Luther (et donc en s’opposant par là même aux exigences de l’Eglise catholique).

L’esprit naissant de la Réforme ne fut pas sans avoir des répercussions fortes sur un ensemble de phénomènes sociaux, politiques, économiques voire culturels internes au Saint Empire. L’un d’entre eux, le plus sanglant sans doute, fut la guerre des Paysans (1524-1525). Ce soulèvement des paysans motivé par des revendications religieuses et sociales, issues en partie de l’esprit de la doctrine Luthérienne sera pourtant suivi d’une répression violente (plus de 100 000 morts), encouragée d’ailleurs par des propos de Luther pour qui se révolter contre son souverain, c'est se révolter contre Dieu lui-même.(1)

On pourrait, de la même façon, rapprocher la reprise ultérieure de ce thème de la Chasse, dans les peintures réalisées entre 1540 et 1546, par l’un et l’autre des Cranach, à la montée en puissance de la défiance grandissante des princes de Saxe vis-à-vis du pouvoir de l’empereur Charles Quint. L’une de ces peintures, étant justement en l’hommage de ce dernier, pourrait ainsi avoir valeur non de révérence, mais d’avertissement.

Il ne serait donc pas impossible (quoique nulle trace ou témoignage ne l’indique) que les faits historiques qui jalonnent cette période mouvementée, trouvent un écho dans ces peintures, ces chasses étant aussi, dans leur organisation autant que dans leur déroulement, un pendant symbolique de la guerre.

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1 - « Quand même l'autorité serait tyrannique et injuste, cela n'excuserait aucunement l'émeute et la révolte, car châtier l'iniquité n'appartient pas à tous; l'autorité seule (entendre les princes) a le droit de punir; elle a le glaive en main, comme disent Paul et Pierre; c'est à elle que Dieu a confié le châtiment du méchant. », Luther cité par Jean Jansen dans « L’Allemagne et la Réforme », 1887

4 - En marge

"Ne va pas crotter tes souliers dans la forêt profonde, un seul arbre suffit pour égarer l’enfant : cache-toi derrière." Eric Chevillard, L'autofictif, 742 (3)

Il y a tout de même de curieux détails dans ces scènes de chasse dont je ne parviens pas vraiment à m’expliquer la, ou les significations. Je me contente donc ici de les relever en espérant qu'ils piquent la curiosité d'autres personnes.


Dans les deux premiers tableaux de 1529, sur la droite, un groupe de cavaliers - des seigneurs armés si l’on en juge par les mises – semble se tenir à l’écart de la course effrénée des bêtes, comme s’il se contentait d’observer.

Autre détail, dans les deux tableaux, une barque transporte des couples (ou tente de traverser la rivière ?). Bien que présents, ils ne semblent pas se soucier de la chasse outre mesure. A l’arrière de l’une des ce barques, il semble même qu’un moine (?) entreprenne une femme. Vraiment étrange!   
(article initialement publié sur appeau vert overblog en décembre.2009 par ap)

Une inquiétante tranquillité

Alex Colville
 
  « J’ai peur en effet du chaos et je ressens vivement la précarité de la civilisation. » Alex Colville, 1983

La carrière de peintre d’Alexandre Colville a débuté dans la boue, la peur et l’horreur de la guerre qui ravageait l’Europe à la fin de la seconde guerre mondiale. Officier, enrôlé comme artiste de guerre dans l’armée canadienne, il a à peine vingt cinq ans lorsque, quelques jours seulement après leur libération, il découvre les survivants du camp de Bergen-Belsen. Colville garde de ce charnier l’image obsédante «… des cadavres émaciés en tenue de toile jonchant le sol comme s’il s’agissait de tapis ». Il en fera à son retour d’Europe une peinture.
Cette expérience traumatique le marquera durablement : «Comme plusieurs autres personnes de ma génération, je crois posséder un sens aigu de ce que c’est qu’être en vie.[…] Et pour ceux d’entre nous qui ont pris part à la Seconde Guerre mondiale, les petites choses bourgeoises de la vie, par exemple avoir un emploi, une maison, une voiture, des enfants, un chien, sont dorénavant très précieuses.». Les aquarelles et les peintures qu’il réalise durant cette période (de 1944 à 1946 et surtout après…) en portent, profondément imprimée, la marque.
Dès les années 50, on associe son approche réaliste à celle d’artistes américains comme Andrew Wyeth  alors que, visiblement son dessin plutôt dépouillé ou le traitement des volumes sont plus proches de celui de Grant Wood, tandis que son univers l’est tantôt de celui de Edward Hopper tantôt de celui de Balthus. D’ailleurs, comme ces deux derniers, il détermine ses sujets à partir de son environnement immédiat, situations ou scènes ordinaires de son quotidien, avec cependant un caractère plus surréaliste.

Nude and Dummy, 1950
Le tableau Nude and Dummy, (1950), marque visiblement une transition entre les transcriptions de scènes de guerre et une nouvelle orientation de son travail. Dans une sous-pente, vide de tout mobilier, le buste d’un mannequin de couturière fait étrangement écho à la figure d’une femme nue, de dos, qui se trouve près d’une fenêtre. Comme si quelque chose (ou quelqu’un) venait de pénétrer dans la pièce la femme a détourné son regard du paysage et regarde par-dessus son épaule. La présence imposante du buste féminin au premier plan, tronc creux presque inquiétant, évoque une apparition et produit une sensation d’étrangeté, comme dans certaines toiles de Chirico ou de Delvaux. La qualité des lumières douces, en demi-tons, renforce cet aspect assez irréel.

D’autres peintures de la même période (Quatre personnages sur un quai, Deux femmes assises sur une jetée, …) et surtout le fameux Cheval et train contiennent cette atmosphère mi-réaliste, mi-onirique, comme si les corps étaient des statues, ciselées ou moulées, des blocs fantomatiques posés à la lisière des rêves, figures que l’on croise particulièrement dans les contes ou les légendes. Dans ce tableau, le nu a cependant, malgré le léger voile laiteux qui baigne ces combles, une présence charnelle. L’association entre la coque vide du mannequin et la figure faisant face à la perspective très accentuée du champ labouré qui pointe vers l’horizon, suggère à la fois une conversation et une sorte de mue, voire une métamorphose.
La construction stricte de l’image, sa fausse symétrie construite sur la verticale d’un pilier, le choix des plans inclinés de la pièce qui renforcent le sentiment d’un espace encaissé, le prolongement des lignes du parquet dans les sillons rectilignes du labour indiquent bien, par ailleurs, une volonté évidente d’introduire, par cette géométrie, une intention symbolique. Ne s’agirait-il pas là, dans cette figure qui se retourne, de la transposition d’une moderne Eurydice.
Deux autres images réalisées dans les années 60, June moon et Snow  reprennent, sinon le dispositif scénique, tout au moins le motif du nu avec un jeu de profondeur analogue (buste au premier plan pour Snow, lignes de la tente ouvrant sur un paysage avec figure de dos dans June moon.) Les thèmes du couple et du regard  y sont présents, mais cette fois-ci associés à l’idée d’érotisme.

June moon et Snow
Dans les années 60-70, la peinture d’Alex Colville fut un peu trop hâtivement rapprochée du mouvement Photo-réaliste, alors même que cet artiste ne s’est jamais appuyé sur un corpus photographique pour élaborer ses peintures, préférant privilégier un mode de construction très classique de ses tableaux. Chacune des images procède ainsi d’une lente maturation passant souvent par de nombreux croquis et esquisses. Ces études préparatoires révèlent un travail mesuré et minutieux inspiré des règles de composition des peintres de la Renaissance ; dans certains cas Colville n’hésite pas à réaliser des épures ou des dessins techniques des objets qu’il représente. Il y a quelque chose de l’horlogerie de précision dans ces peintures, qui se vérifie jusque dans les minuscules touches de couleurs juxtaposées qu’il applique méticuleusement (à la façon de Seurat) et par les jeux de glacis.

 Living room - 2002
A ce lent processus d’élaboration correspond d’ailleurs un soin jaloux des procédés techniques(1) qu’il met en œuvre. Soucieux de la pérennité de son travail, Colville précise en effet: «Je souhaite réellement que mes tableaux durent. Il en a toujours été ainsi. Certains peintres aiment voir leurs tableaux vieillir et se transformer… et c’est justement ce que j’essaye d’éviter.»(2).

Le ponton - 1994
Une sortie en mer, une baignade ou un plongeon, une promenade dans la lande ou dans les marais, une femme qui étend du linge ou alimente son fourneau, un pique-nique, une sieste sur une plage ou sur un bateau, un corps nu faisant le poirier sur une terrasse, un autre assis dans une baignoire ou penché sur un lit défait… Un chien bondissant sur l’herbe parsemée de neige, un vol de corbeaux le long d’une route en rase campagne, un épervier en rase-motte le long d’une voie ferrée, un héron volant sur le miroir tendu d’un plan d’eau, un chien qui ronge un os sur les marches d’un ponton, le même plus vieux que l’on brosse devant l’âtre d’une cheminée, un autre que l’on embrasse au sortir du bain…
  
Dog and groom - 1991
Les sujets qui constituent l’univers de Alex Colville sont inspirés de sa vie de tous les jours : sa famille, ses animaux de compagnie et les paysages près de chez lui. Pourtant à bien regarder ses peintures, on comprend assez vite qu’il ne s’agit pas de restituer cette réalité, mais plutôt de la reconstruire de toute pièce : morceau par morceau, il réunit les éléments, les juxtapose et les assemble par le travail du dessin, puis de la peinture.
Ainsi combinées, les postures des corps, les objets et les animaux dialoguent de façon étrange, légèrement décalée, d’où cette sensation constante de flottement. On remarquera par exemple que les ombres portées des personnages sont souvent absentes, que les gestes où les attitudes sont saisis en pleine action, comme s’il s’agissait précisément d’un photogramme extrait d’une séquence plus longue. La mise en espace de ces scènes, qui semblent souvent chargées de silence, use simultanément des procédés les plus classiques sans dédaigner les audaces de cadrages cinématographiques, produisant l’effet d’un arrêt sur image où se cristallise l’évènement.
Morning -1982
L’effet de ces « artifices » est sans doute à l’origine du sentiment d’étrangeté et même parfois de l’impression de malaise qui se dégage de certaines de ses œuvres. « La vie est à mes yeux essentiellement dangereuse. J'ai une vue sombre du monde et des humains. [...] Le sentiment d'angoisse caractérise notre époque. »
Prêtre et Chien - 1994
Car il ne s’agit visiblement pas, pour Colville, de reproduire l’ordinaire du quotidien mais bien d’en réinterroger les apparences, en proposant des images denses où alternent violence et sérénité. « À titre de vrai réaliste, je dois réinventer le monde ». L’espace charpenté de ses tableaux contient paradoxalement un équilibre précaire, une fragilité. Les télescopages de signes forts, d’attitudes figées, produisent ainsi des situations étranges, parfois inquiétantes où les personnages et le temps semblent suspendus. Dans l’immobilité que proposent ses peintures et ses sérigraphies s’égraine une douce mélancolie et une tranquillité inquiétante.
La puissance énigmatique qu’instaure ainsi Alex Colville dans ses peintures est donc un savant mélange (équilibre) de rigueur géométrique de ses compositions, d’une facture mesurée et précise, ainsi qu’une façon assez inattendue d’envisager les sujets les plus ordinaires.
Femme montant une rampe, 2006
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1 - Colville change plusieurs fois de technique. Il passe de l'huile à la détrempe, puis retourne à l'huile et aux résines synthétiques et, après 1963, à une émulsion de polymère à l'acrylique. Depuis la fin des années 1950, il n’est pas rare non plus que l’artiste indique de façon détaillée, au verso de ses peintures ; les matériaux et les procédés utilisés.
2 – Propos issus d’une conversation avec Debra Daly Hartin, à Ottawa, en février 2004.


 (article initialement publié sur appeau vert overblog le 25 07 2009 par ap)

mardi 24 janvier 2017

Atelier de la condamine

Frédéric Bazille 
Fréderic Bazille, l’Atelier, Rue de la Condamine, 1870


1 - Un inventaire incomplet

Sur le site de Jean-Claude Bourdais, une investigation au sujet de l’Atelier, rue de la Condamine de Fréderic Bazille tentait, après avoir resitué brièvement le contexte de répertorier les œuvres représentées par le peintre aux murs de la pièce. 


Ainsi le tableau sur le chevalet (1) est à coup sûr Vue de village de Bazille, celui qui se trouve derrière le chevalet sous la verrière (2) est très certainement la Tireuse de cartes de Cézanne (ou peut-être une copie de ce tableau?), celui qui se trouve sur le mur de gauche (3) est lui aussi de Bazille, il s'agit du Pêcheur à l'épervier; un petit tableau placé à droite de la verrière (4) serait une pochade d'une vue d'Aigues-Mortes, dessous et derrière le sofa rose (5) un état de La toilette (toujours une toile de Bazille), à droite de celui-ci, au-dessus de la tête du pianiste (6) il pourrait s'agir de Oiseaux et fruits de Monet et au-dessus encore le grand tableau pourrait être une peinture de Renoir, Paysage avec deux figures. Enfin autre grand tableau suspendu sur le mur de droite, près de l'angle et à l'aplomb du piano (8), serait la Terrasse de Méric peint par Bazille.

Mais dans l'un des articles (l’enquête n° 5) on pouvait aussi noter que certains tableaux n’avaient pas été identifiés. Par jeu, je m’y collais à mon tour.
 
Pour le premier d'entre eux situé sur le mur de gauche en haut de la montée d'escalier, je butais, moi aussi, sur le manque d’informations. On dirait une pochade contrairement aux autres. Ceci étant, la lumière évoque un intérieur, les masses noires semblent des rideaux, les parties claires étant peut-être des fenêtres. Les trois taches (touches) posées à l’horizontale sur la partie basse pourraient alors être par exemple des canapés… On peut aussi ne rien chercher et se dire que Bazille avait besoin, dans cette partie un peu compliquée de l’espace (angle aigu de la rampe d'escalier) de caler sa composition… Bref, j’ai beau chercher, je ne trouve rien qui soit, de près ou de loin, en rapport avec une œuvre connue. Beau morceau de peinture quand même!


Pour le second qui se situe sur le mur de gauche et sous le Pêcheur à l'épervier (3) j’avais sincèrement l’impression de connaître ce portrait de fillette en pied. J’ai tout de suite cherché du côté de Renoir car il me semblait que c’était la jeune fille à l’arrosoir ou (de mémoire) la jeune fille au cerceau… Mais voilà, outre le fait que ces deux tableaux représentent une jeune fille au jardin (ce qui ne semble pas forcément être le cas du tableau - ici l'image de gauche sur l'illustration), la date ne correspond pas puisqu’ils sont datés tous deux environ de 1976. Mauvaise pioche !

Enfin, le tableau qui se trouve sur le mur de droite au-dessus de la palette évoque une nature morte ou un bouquet de fleurs. Par rapport au format du tableau disposé en perspective sur le mur, on aurait pu penser qu’il s’agissait d’un rectangle horizontal. Par ailleurs la facture et les tons font en effet penser à Manet (à Vase de pivoines sur piédouche (1864) par exemple) mais les deux taches jaunes disposées sur la partie droite ressembleraient plutôt à des fruits qu'à des pétales. Après avoir rectifié la déformation (on obtient un rectangle vertical), j’ai tenté de raisonner par masses et puis, comme j’étais chez Renoir, j’y suis resté.
Dans un premier temps, et selon toutes vraisemblances, ce pourrait être ce tableau de Auguste Renoir, daté de 1969, qui se rapproche le plus du motif représenté par Bazille. On s’étonnera par contre de la disparition totale du ton bleu/mauve, mais qui peut s'expliquer en partie par les dimensions plutôt modestes de la toile.

2 - Espèces d'espaces

[J’ai passé du temps au 9, rue de la Condamine avec le sentiment que quelque chose m’échappait dans ce tableau. J’ai repris un à un la totalité des tableaux figurant au mur ou au sol de l’atelier de Bazille, lu et relu les notes de J.C Bourdais, cherché un grand nombre d’informations pour compléter mes lacunes sur ce peintre. J’ai une étrange conviction au sujet de ce tableau : L’atelier de la Condamine est l’aveu d’un échec en peinture, ou, pour être moins catégorique, il s'agirait d'un tableau qui indique une certaine désillusion chez ce jeune peintre de 29 ans.]

*
"Pour agrandir l’espace de l’atelier , nous dit J-C Bourdais, les objets sont peu nombreux, plaqués à la périphérie, contre les murs". Il note aussi, sur le mur gauche, que "la perspective agrandit encore l’espace".
Seulement voilà, essayant de reconstruire l’espace de la pièce, m’appuyant sur les arêtes des murs et sur les lignes de fuite, un problème se pose. Si le mur de droite et si le sol trouvent bien leur point de fuite (lignes rouges – horizon 1), le mur de gauche en donne un autre (lignes bleues - horizon 2), alors il y aurait dans cette perspective deux lignes d’horizon ce qui n’est ni conventionnel - mais ça... - ni très cohérent dans le cas de figure choisi pour l'espace représenté, soit un cube perspectif que cette scène donne à voir.

Pour que le mur de gauche retrouve sa perspective normale (je veux dire convenue) il faut donc, si mes souvenirs sont bons, aligner le point de fuite avec la hauteur du mur de gauche. Rien de plus simple !


En modifiant ainsi l'espace, comme sur l’image de droite (retouche sur la reproduction qu'on se rassure!), on peut se rendre compte que l’exactitude spatiale n’aurait pas changé grand-chose à la composition d’ensemble, sauf peut-être un effet d’ouverture sur la gauche, et encore... pour quel bénéfice?


Connaissant l’exactitude du travail préparatoire de Bazille (esquisses et agrandissement au carreau) on peut donc, soit s’étonner de cette erreur, soit se dire que la restitution exacte de la pièce n’était pas une préoccupation du peintre.

D'ailleurs, si l’on examine (avec le même dispositif ) les deux autres ateliers, on se rend compte que ces fautes de perspective n’existent pas, pas plus d’ailleurs dans les autres tableaux (scène de famille, ou paysages)



Alors? Qu’est ce à dire? Pourquoi cette faiblesse, ou plutôt pourquoi avoir dérogé à une loi spatiale qu’il maîtrise parfaitement au risque de rendre cet espace bancal ? Vraie ou fausse maladresse?
Un autre élément confirme d’ailleurs ce point de fragilité. Il s’agit de l’escalier. Non seulement sa perspective est totalement fausse (ce qui ne me dérange pas outre mesure), mais en plus, les proportions sont inversées (écart entre les deux limons plus large en bas qu’en haut) quant aux marches, elles n’obéissent à aucune logique de régularité.



Outre son aspect bringuebalant (qui crée cette drôle de sensation que celui qui est installé sur les marches est quasiment obligé de s’agripper à la rampe pour ne pas dégringoler : sacré ascension !), il faut noter que cette échelle de meunier a de fortes chances de déboucher sur un palier. Cherchant à retrouver l’appui maximum de la dernière marche, en tenant compte de la hauteur pour qu’une personne de taille moyenne (donc pas Bazille!) ne se cogne au plafond, on se rend vite compte que la hauteur du palier (non représenté ici, fort heureusement !) aurait masqué une bonne partie du tableau.Il est donc probable que cette contrainte spatiale réelle imposait de basculer le mur de gauche et de tricher un peu sur la forme de l’escalier.
 
Ces jeux d'illusions ne pouvaient certes pas passer inaperçus et je suis convaincu que Bazille a cherché - notamment par l'occupation particulièrement chargée de ce mur - à masquer cette fragilité.
Le premier petit tableau (non identifié) qui vient combler le vide entre l'escalier et le tableau dit "l'épervier", en est sans doute le signe le plus flagrant... (du moins peut-on imaginer que c'est ici la raison de sa présence...) 

3 - Les feux de la rampe

Toujours en observant d’un point de vue conventionnel ce tableau de Bazille, on peut observer la multiplicité des ombres et donc des sources de lumière.



Pour ma part, j’en ai distingué au moins trois qui semblent contradictoires. En rouge j’ai noté les ombres portées qui semblent provenir de la baie. On remarquera de façon étrange que certains objets comme le canapé, le poêle,… n’obéissent pas à cette source. Plus étrange, parce que justement disposés juste devant la fenêtre, ni le chevalet, ni la grande silhouette de Bazille ne produisent une ombre semblable. Au contraire la source de lumière choisie (ici en vert) est zénithale. Une troisième source de lumière (en violet) vient du premier plan : elle agit sur le fauteuil, le bord droit du divan et l’angle du mur où se trouve le piano.




C’est pour cette raison, entre autres, que le dos du dossier du fauteuil ni le chevalet, ni la partie droite de la pièce ne se trouvent pas en contre jour comme on aurait pu pourtant s’y attendre dans une configuration spatiale de cet ordre.
Ici encore, un peintre sourcilleux de réalisme ne pouvait que s’étrangler et crier au scandale. Éclairée depuis le premier plan, comme s’il s'agissait d’une pièce de théâtre (feux de la rampe), Bazille dresse une mise en scène totalement artificielle (mais au combien intelligente) de ce qu’il aurait peut-être souhaité voir et vivre dans son atelier, car le jeux d’ombres croisées improbables tissent en réalité les lignes imaginaires du vrai centre du tableau : Bazille lui-même !


4 - De Camille à Diego

Bazille
Corot

Les deux premiers ateliers peints par Bazille (Rue Furstenberg et Rue Visconti ) sont assez proches de l’esprit des ateliers de Corot, peintre qui, selon toute vraisemblance, comptait beaucoup pour lui. Outre le travail sur la lumière on y retrouve quelques éléments communs : le poêle, la boite de couleurs, le mur d'images…).


Seule différence effective, les deux premiers ateliers de Bazille ne comportent pas de figure.

Ce traitement du lieu de travail du peintre (je veux dire dans cette forme intimiste) n’avait été que très peu abordé jusque là. Ce que j’avance là est un peu lapidaire et il faudrait y apporter toutes les les nuances nécessaires et les cas d’exception car il existe des peintures de Rembrandt, de Vermeer ou de Chardin abordant cette question ainsi que plusieurs autoportraits de peintres devant leur chevalet, et peut-être encore (mais il s’agit là d’un sujet en soi) de quelques natures mortes ou études des objets du peintre, mais rarement l’espace de travail en tant que tel avait fait l’objet d’une telle attention. Toujours est il que c’est pourtant sur le modèle des ateliers de Corot que les peintres des générations suivantes multiplieront ce motif. L’atelier de la Condamine, à l’inverse, est occupé. D’ailleurs à bien le considérer, il s’agit moins que dans les autres d’un espace de travail que d’un appartement même si certains signes (chevalet, palette, verrière…) sont là pour nous le rappeler.

Il y a, dans ce tableau de Bazille, une volonté de synthèse entre plusieurs sujets; en cela c’est une mise en scène (quasi théâtrale je l'ai déjà souligné), non de son atelier réel mais bien de sa vie de peintre. Tous les sujets de la peinture sont présents, de la figure au paysage en passant par la nature morte, de l’œuvre achevée (encadrée) à l’œuvre en cours, de l’œuvre acceptée à l’œuvre refusée (aux Salons). Les actions des personnes représentées (parler, voir, peindre, écouter…) cherchant peut-être à montrer l’effervescence intellectuelle de ces artistes et la pluralité (littérature, peinture, musique).

On sait que Manet admirait Vélasquez et que Bazille appréciait beaucoup l’œuvre de Manet, de là à parler ici des Ménines (autre grande peinture d'atelier !), il n'y a qu'un pas, et je pense sincèrement que c'est à ce tableau plutôt qu'à celui de Fantin-Latour (peint la même année sur le même thème) que Bazille pensait (secrètement ?) pour réaliser son tableau. Au moins deux indices discrets peuvent y faire penser.



Si pourtant l’espace proposé par Vélasquez est littéralement royal et virtuose (peinture et dispositif spatial, le peintre faisant face au premier plan aux côté des Ménines, celui de Bazille, prenant en quelque sorte le contre champ, (le peintre, palette à la main, présenté de trois quart dos au fond de l’atelier, près de la verrière) ne se veut pas aussi spectaculaire. 



5 - Histoires de palettes

Dans les trois ateliers de Bazille on trouve, comme il se doit, la présence de palettes. Rarement cependant leurs emplacements respectifs et donc leurs significations ne semblent être laissés au hasard.

 
 Dans l’atelier Rue Visconti, la palette occupe une place de choix puisqu’elle est disposée en amorce sur la partie gauche du tableau. Installée sur les pieds d’un chevalet sur lequel est fixé un tableau encadré dont on ne voit que la tranche, il signale que l’ouvrage est cours. Bariolée, la palette peut indiquer (si il s’agit bien de la toile qui la surplombe) l’état d’avancement du travail.
De la palette, aux peintures accrochées aux murs, il y a toute l’histoire de la peinture qui s’écrit, du chaos des pigments mélangés à l’organisation de ceux-ci.


En analysant succinctement la gamme chromatique du tableau on s’aperçoit d’ailleurs que celle-ci est contenue dans la palette. A noter que c'est la même palette que celle qui figure dans son autoportrait de 1866.

Pour l’atelier de la rue Furstenberg c’est un autre sens que désigne la palette posée en équilibre sur la boite de couleur laissée ouverte sur le sol. Cette palette, contrairement à celle de la Rue Visconti, est rectangulaire. Dans l’œillet où le peintre introduit habituellement son pouce pour tenir cet objet, sont fichés des pinceaux. Le tout donne l'impression que le peintre a laissé ses instruments en plein travail.
Les tonalités de la palette sont nettement moins visible, néanmoins elles contiennent plus de vert et de jaune. Tous ces indices (forme de la palette, boite, tonalités…) permettent de comprendre qu’il s’agit là d’un matériel de campagne (de plein air) et non celui d’un atelier. Au demeurant le seul chevalet visible (posé contre le mur à côté du sofa) est bien une sauterelle et non un support stable d’atelier. Le tabouret à trois pied et au siège incliné (près de la table) achève l’équipement.

Aux murs, la présence de nombreux paysages peints (7 pour 3 portraits ou figures et 1 bouquet), confirment une importante activité de plein air. Etrangement cette petite palette d'apoint est représentée sur le portrait de Bazille par Renoir (1867) alors que celui-ci peint la nature morte aux faisans.

 
L’atelier Rue de la Condamine contient deux palettes. L’une, nous l’avons déjà vu, est entre les mains de Bazille et l’autre est accrochée à un clou, sur le conduit de la cheminée, au-dessous d’un bouquet vraisemblablement peint par Renoir. La première est chargée de pigments et l’autre nettoyée.


6 - Chronologie et autres signes

Il est troublant de penser que l’essentiel du travail de Bazille tient, grosso modo, sur cinq ans. Cinq années et quatre ateliers dont trois seulement seront représentés.
- Janvier 1865, loue le n°6 de la rue Furstenberg, au-dessus de l’ancien atelier de Delacroix.
- Juillet 1866 s’installe avec Renoir, 20 rue Visconti.
- Janvier 1868, déménage et s’installe aux Batignolles, 9, rue de la Paix qui deviendra en 1869 rue de la condamine.
- Mai 1870, déménage au 8 rue des Beaux-Arts.

Cinq années où il essuie chaque année un refus de la part du jury du Salon pour la présentation de ses peintures, comme ses amis Monet, Renoir, Sisley…, d’ailleurs.
- Salon de 1866 : « Nature morte aux poissons » est acceptée, un autre tableau ( ?) est refusé.
- Salon de 1867 : « La Terrasse de Méric » et le premier « Portrait de Maître » tous deux refusés
- Salon de 1868 : « La réunion de famille » et « Les fleurs » sont acceptés
- Salon de 1869 : « La vue du village » acceptée, « le pêcher à l’épervier » refusé
- Salon de 1870 : « Scène d’été » acceptée, « La toilette » refusée

En fait, (mais il faudrait disposer ici d’informations plus précises, correspondance par exemple…) quelque chose a du se produire entre 1869 et 1870, affectant Bazille, au point qu’il s’engage volontairement à l’été 1870 dans un bataillon de zouaves pour trouver la mort quelques mois plus tard. (on notera que c’est en 69 que la rue de la Paix devient celle de la Condamine : étrange coïncidence de l’histoire redoublée par la consonance du mot…)

On pourrait faire ici plusieurs hypothèses, les unes liées à sa vie amoureuse (tous ses potes sont casés mais on ne lui connaît aucune relation sérieuse…), les autres à son travail et sa place dans ce groupe des peintres refusés des Salons officiels.

On sait, par différents témoignages, que c’est en janvier 70 que Bazille pose pour la toile de Fantin-Latour « Un atelier aux Batignolles ». C’est en hiver de la même année (je prends en compte le poêle rougeoyant) qu’il aurait réalisé son tableau rue de la Condamine. Or, comme le remarque très justement Jean-Claude Bourdais, une toile au mur de l’atelier est représentée inachevée. Il s’agit de « La toilette » qui sera refusée au salon du printemps 70.
Comme on l’a déjà dit, Bazille travaillait plutôt lentement, préparant ses toiles par de nombreux croquis, revenant cent fois sur l'ouvrage, retouchant, transformant… ce qui est d’ailleurs le cas pour « La toilette » dont la présence de la femme de droite n’est présente ni dans le croquis préparatoire (sauf peut-être en bas), ni dans l’ébauche représentée au mur de l’atelier.


Par ailleurs, si entre le croquis et l’ébauche il y a une certaine correspondance des corps des deux femmes (presque une superposition), on s’aperçoit que la composition définitive en est très loin. Seules quelques notations chromatiques (turban orange, rouge de pagne de la servante) sont indiquées.

(superposition du croquis et de l’ébauche et superposition du tableau et de l’ébauche)
Autrement dit, quand Bazille réalise cette pochade présente sur le mur de L'atelier de la Condamine, il est très loin d’avoir avancé « La toilette ».

L’autre tableau qui devrait se trouver en préparation dans l’atelier en cet hiver 69-70, présenté lui aussi au Salon, est « scène d’été » commencé en été à Méric.


Ici, nous possédons de nombreux croquis, esquisses des étapes de réalisation du tableau qui montrent l’évolution des attitudes des figures jusqu’à la composition définitive, avec l’introduction sur la droite de deux figures nouvelles (un jeune homme en aidant un autre à sortir du bain), ce qui prouve la lente gestation d’un tableau chez Bazille.

(sources : Base Joconde)

Chose troublante, L'atelier de la Condamine ne comporte pas, à ma connaissance, de traces de cet ordre (croquis ou autre) qui nous permettrait d’en comprendre la conception, alors que, selon toutes vraisemblances, c’est un tableau qui procède lui aussi d'une mise en scène complexe.


7 - Postures 


En observant les différents portraits figurés dans L’atelier Rue de la Condamine et en les resituant par rapport aux artistes qui, de près ou de loin, faisaient partie du "Groupe des Batignolles", il est franchement difficile de savoir (mis à part Manet, Bazille et Maître), qui est qui, d’autant que, si tous, ou presque, sont présents, un artiste manque à l’appel : il s’agit de Fantin-Latour qui réalisera un portrait de ce groupe la même année.
Absence remarquée puisque Bazille, qui a pourtant posé pour le peintre dans une attitude semblable à celle où il figure dans son propre tableau, ne semble pas faire mention de cette relation. Quelle peut bien en être la raison?

(Bazille, peint par Fantin-Latour 
et Bazille, peint par Manet, dans
 son propre tableau)
Si je l’on s’en tient à la distribution des rôles que nous propose J-C. Bourdais, Zola (sur le départ) s’entretient avec Renoir (ou Sisley), Monet et Manet font face à Bazille et Maître joue du piano seul dans son coin ; on peut donc considérer que deux ensembles de personnes dialoguent en vis-à-vis (à gauche) et que une personne (à droite), seule, tourne le dos à tous.

Certes, Maitre est le seul musicien du groupe et on peut penser qu’il était bon de lui faire une place à part, mais la raison de cette mise à l’écart (« au coin » tout de même !) est tout de même un peu sévère (et sectaire), surtout lorsque l’on sait qu’il était le meilleur ami de Bazille. Là encore mystère !

En réfléchissant encore un peu sur cette partition (sans jeu de mot), j’en viendrais presque à me dire que si Zola (ou Astruc) n’était pas de la fête, cela arrangerait mes affaires car, à gauche, ne se trouveraient que des peintres (Sisley, Renoir, Monet, Manet…) et à droite, un musicien… D’un autre côté, si c’est Monet qui taille une bavette avec Sisley ou Renoir, et donc que c’est Zola qui se trouve derrière Manet : ce n’est pas mal non plus (littérairement parlant, je veux dire*…).   

Mais revenons à la toile peinte par Fantin-Latour où c’est Manet qui se trouve être en vedette, ce qui est assez compréhensible puisqu’il est le plus âgé de la bande. Assis devant son chevalet, il peint sous les regards attentifs (recueillis) de ses camarades, dont celui de Bazille. 


Rue de la Condamine les rôles sont inversés, sauf que le portrait de Bazille est de la main de Manet (entraide amicale ou leçon de peinture ?). Ces deux ateliers peints la même année ne racontent donc pas tout à fait la même histoire et l’on hésite même à croire qu’il s’agit là des mêmes personnes.


Là-bas, Bazille semblait méditer en silence devant le travail de son grand frère. Ici, Manet s’exprime (canne en main) devant l’ouvrage posé sur le chevalet (il s’autorise même une petite retouche !) : d’un côté une ambiance austère et quasi-mortifère (« on dirait des croque-morts » me dit l’une de mes filles), de l’autre un hall de gare où chacun défile, commente, discute et joue de la musique… 


8 - Du divan rose et de la croix

Dans la partie concernant l’étrangeté de la lumière, il a été indiqué que le vrai centre du tableau pourrait être le peintre lui même puisque tous les éclairages convergeaient vers lui. Mais maintenant j’hésite car il semble bien qu’il y ait un second personnage précisément que j’ai un peu négligé jusqu’ici : il s’agit du divan rose.



Le cadrage ci-dessus fait apparaître que Bazille et Maître sont disposés dos à dos de part et d’autre du divan, séparés ou réunis (c’est selon comme on veut comprendre la fonction), chacun étant attaché (relié) à l’accessoire (chevalet ou piano) qui définie sa qualité. Une sorte de duo pour dire les choses autrement.

S'il existe de nombreux portraits d'Edmond Maître, j’ai plus de mal à trouver des informations sur sa biographie et son œuvre. J'apprends tout juste qu’il fut fonctionnaire de l‘Hôtel de Ville et surtout considéré comme musicien et très érudit.

Ed. Maître peint par Bazille (1869), peint par Fantin-Latour (en compagnie de Bazille, 1870), par Renoir (1866) et encore Fantin-Latour (1885)
Certaines mauvaises langues disaient aussi de Edmond Maître qu’il était le factotum de Bazille, mais nous savons surtout que la relation d’amitié entre les deux hommes fut assez étroite pour que ce soit à lui que les parents du peintre demandent, après la mort de leur fils, de se charger de la liquidation de l’atelier et du renvoi des toiles et dessins restés à Paris.

Une autre idée hier au soir m’est venue en regardant encore l’ébauche de « la toilette » accrochée au-dessus du divan. Je ne sais pas pour quelle raison soudaine (sans doute par la présence de la couleur qui relie le nu au sofa ?) le corps abandonné de la femme à la toilette m’a semblé glisser sur le drap rose.

Du corps soutenu au drap, il me revient à présent à l’esprit les nombreuses représentations des dépositions du Christ.

(en haut, à gauche détail de la "descente de croix" de Le Brun, en bas à gauche, celle de P. Van Mol)
Quelle raison aurait eu Bazille d’aller chercher du côté de la peinture religieuse le motif de ce corps ? En quoi la mort du Christ (même dissimulée par la transposition orientaliste) a-t-elle un quelconque rapport avec le tableau de Bazille, ici dans cet atelier ? Et surtout pourquoi un corps masculin sans vie (abandonné) aurait-il pu ainsi devenir celui de cette femme se faisant habiller après sa toilette ?
Le Christ au lièvre - Peintre inconnu
Ne suis-je pas tout simplement en train de glisser vers une interprétation farfelue et grotesque? Possible. Mais, cette idée faisant son chemin, je suis du coup attentif à un autre détail : la verrière.
Peinte en conte jour, en partie voilée sur la gauche par un rideau sombre, soulignée sur la droite par la verticale de l’autre rideau tiré, la structure de la baie vitrée dessine une croix dont la partie basse est masquée par le tableau disposé sur le chevalet.


Y voir un peintre tenant une palette au pied de la croix va donc sembler (je le pressens déjà) audacieux, voire abusif, surtout si j’ajoute que la canne de Manet m’évoque irrésistiblement la lance de Longinus.
(J’entends d’ici les commentaires offusqués - mais je l’ai bien cherché ! -,Aussi, avant que de prêter à mon tour le flanc aux railleries des lecteurs, comme Renoir lançant à Sisley (qui se tient prudemment à l’écart) un regard entendu, je songe d'ors et déjà à prendre la tangente en grimpant à l’échelle.)


8 - La révérence en peinture

J’ai commencé ce complément d’enquête sur L'atelier, rue de la Condamine de Frédéric Bazille en annonçant que j’y voyais « l’aveu d’un échec en peinture » ou d’un tableau qui indiquait, par certains signes, « une forme de désillusion ». C’était sans doute rapide ou un peu brutal et je dois maintenant nuancer mon propos.

Je dois dire, avant toutes choses, que j’ai longtemps regardé ce tableau comme le témoignage d’un moment heureux de la vie du peintre, Frédéric Bazille entouré de ses compagnons, installé dans un espace vaste et clair… Même le canapé rose tendre m’avait toujours semblé être profond et moelleux, invitant à la lecture et au plaisir de l’écoute, à la douce somnolence, aux causeries sans fin… Je le répète : un lieu agréable et convivial tourné vers la seule peinture. Je n’avais jamais ressenti le moindre doute, la moindre ombre de discorde. Même le nom de la rue où était situé l’atelier ne m’avait pas alerté par l’étrange menace que contient sa consonance… Atelier, rue de La Paix aurait sans nul doute ôté à jamais tous soupçons… Et puis, il y a eu les notes de J-C Bourdais qui donnaient envie de lever un coin du voile, envie de pénétrer de façon plus familière dans cette pièce, de se mêler aux discussions de ces peintres, de s’asseoir un instant sur le fauteuil vide pour regarder les toiles aux murs et d’imaginer la mélodie jouée sur le piano droit…

Une fois installé dans l’espace j’ai éprouvé petit à petit un étrange malaise. Est-ce Edmond qui jouait faux ou le piano qui était mal accordé ? Mais que disait donc Édouard à Frédéric qui plongeait ainsi Émile dans un abyme de réflexions. Enfin, je dis Émile mais j’aurais pu tout aussi bien le confondre avec Claude. Je regardais la main levée et rouge d’Édouard, non seulement je ne comprenais pas ce geste, mais je le trouvais carrément ridicule avec sa canne posée sur l’épaule (en bougeant il menaçait à tout moment Émile, ou Claude ou…Bref ! J’aurais voulu lui dire qu’il devrait faire attention à ne pas blesser quelqu’un, mais Auguste qui blaguait avec Alfred sur les bons et les mauvais côtés de la navigation en barque, m’ont distrait. Édouard parlait, couvert en partie par les accords d’Edmond. La tête me tournait un peu, les murs tanguaient, l’escalier me dégringolait sur le coin du nez, le fauteuil soudain devenu léger décollait du sol, la tireuse de carte écrivait figure après figure le destin avec patience, le feu crépitait dans le poêle au son d’une marche funèbre, un corps s’effondrait… Je me réveillais en sueurs.
Si l’analyse de l’espace représenté (le tableau) montrait une fragilité évidente de la cloison gauche de l’atelier, répondant en partie à la nécessité de masquer un palier ou un demi étage (belle astuce en vérité !), si le jeux des lumières croisées donnait à cette pièce l’effet d’un petit théâtre (sorte de maison de poupée) permettant la mise en scène des personnages, si la palette vide accrochée au mur de droite pouvait présager d’un arrêt du travail (je dois avouer qu’il s’agit là d’une pure hypothèse, orientée par la connaissance de la mort précipitée du peintre), si les dates de création de cette peinture la situe entre 1869 et 1870, c'est-à-dire au moment même où Manet devient, pour Fantin-Latour, chef de file de l’atelier des Batignolles, rien, de prime abord ne manifestait, dans cette scène de genre, le caractère négatif de mon hypothèse.
C’est surtout la comparaison entre le tableau de Bazille et celui de Fantin-latour qui a confirmé mon pressentiment. Quelque part il y avait un malentendu, d’abord entre ces deux peintres qui pourtant, (leur peinture le prouve) étaient d’égale qualité, ensuite par la naissance d’un mouvement (ce n’était pas encore l’impressionnisme) dont l’ambiance austère et mondaine (c’est Astruc qui sert de modèle à Manet dans l’atelier des Batignolles, chantre de la Nouvelle Athènes – tiens, ça fleure bon le classicisme ! - ), entrevue dans la peinture de Fantin-Latour, ne pouvait qu’effrayer ce jeune homme plein d’enthousiasme et de générosité qu’était Bazille.
A cela il faut peut-être ajouter ses échecs successifs au Salon et le manque d’attention que lui portaient les écrivains de l’époque, Zola le premier, pourtant engagés auprès de Manet.
En fait, je l’ai déjà souligné, ce petit tableau est une synthèse de plusieurs images, idées et savoirs faire d’un peintre qui font état d’une grande maturité.
Comme il n’existe pas d’études préparatoires ni croquis, ni esquisses, il est difficile de savoir comment peu à peu se sont élaborés les différents registres que j’ai tenté de pointer mais il est fort possible en revanche que cette toile ait été pour Bazille une étape, peut-être l’étude elle-même d’un tableau de plus grandes dimensions qu’il n’aura pas eu le temps de réaliser.
A l’inverse de la plupart des tableaux de Bazille, celui-ci contient en filigrane l’idée d’un temps qui correspond, non pas à ce qu’il donne à voir mais plutôt à ce qu’il raconte entre lumière et ombre, équilibre et déséquilibre qui jalonnent son quotidien, sa vie.
1869, il y a eu la joie d’un nouvel atelier, les frémissements d’une énergie neuve portée par ses amitiés et son travail et puis sont venus des signes discrets d’un malaise, d’un mal être. 1870, tandis que se profilait la silhouette des Ménines, que les grands peintres passés ou présents (Delacroix, Rubens, Corot, Géricault, Vermeer, Courbet, Chardin ou même Rembrandt…), d’un clin d’oeil entendu se glissaient dans sa peinture, l’académisme fleurissait au Salon, l’ambition galopante de certaines des ses connaissances circulait déjà sous ses fenêtres et venait même lui rendre une visite de courtoisie, l’invitant à venir se mêler au personnages de cire d’une intronisation lugubre… C’est en tous cas ce que je comprends, que j’imagine et que je veux croire.

Bazille : une victime ? Non, un être lucide et intègre qui savait, pour la chérir, que la peinture pouvait tout sans simagrées. Dans l’atelier de Bazille, rue de la Condamine, tout cela est dit, avec beaucoup de retenue, de délicatesse et d’intelligence, jusqu’au coup de grâce. La peinture consigne les faits et les gestes, les repentirs et les fulgurances. Ici, il y a les deux.
Bazille nous fit donc le plaisir, avant de s’engager dans le régiment de zouaves où il devait trouver la mort, en Novembre de la même année, à l’age de 29 ans, de tirer sa révérence en peinture.
 
(Dessin extrait d'un carnet de Bazille - Base Joconde)

(article initialement publié sur appeau vert overblog, en mai 2007 par ap)